Salut le blog,
voici un morceau de vie de ceux qu’on ne regarde plus. Il me semblait important de t’en parler un instant.
J’arrive à l’hôpital pour rendre visite à ma mère. Je me perds dans les couloirs. Voilà sa chambre, enfin. Je rentre. Je l’embrasse, j’écoute ses problèmes de genoux. A côté d’elle, une vieille dame s’agite. Elle tape des pieds dans son fauteuil. Elle doit aller aux toilettes mais ne peut pas se lever. Elle pleure de peur de se pisser dessus. J’appelle l’infirmière.
Je m’occupe de ma mère. Enfin, j’essaye. Mais le regard terriblement triste de la dame m’interpelle. Elle essaye de me dire quelque chose. Elle a un problème à la mâchoire, je ne comprends presque rien. Je me concentre un peu plus. « Mon mari est mort il y a deux ans. » Je ne sais pas très bien que répondre. « J’ai 90 ans, on allait fêter nos 70 ans de mariage, il est mort la tête sur mes genoux dans le taxi. »
Je regarde son petit corps trop vieux coincé dans son fauteuil. Ses cheveux raides et gris, sa mâchoire déformée. Elle me dit qu’elle ne parle plus bien depuis qu’on l’a opérée.
Je regarde son petit corps trop vieux coincé dans son fauteuil. « Avant, on était encore bien tous les deux. » Elle a besoin de parler. De crier au monde qu’elle n’a pas toujours été une petite vieille coincée dans un fauteuil qui a besoin de pleurer et de taper des pieds pour pouvoir aller pisser.
Je regarde son petit corps trop vieux coincé dans son fauteuil. Personne ne vient la visiter. « Mon cousin va venir me chercher. » L’infirmière lui explique que personne n’en a entendu parler.
Je regarde son petit corps trop vieux coincé dans son fauteuil. Un petit corps qui n’attend plus qu’une seule chose rejoindre l’être aimé pendant 70 années.
Ma pudeur, ma maladresse m’ont empêché d’agir mais chère madame, je vous ai écouté. J’ai entendu la mort et l’amour. J’ai vu la peur de n’être plus qu’un sac d’os qui articule mal et que personne ne comprend.
Merci Jehanne pour cette petite dame que plus personne ne regarde. Je travaille dans une maison de repos et la souffrance des personnes âgées est terrible… Cette petite histoire m’a beaucoup touchée, merci.
Merci pour ce gentil mot
Bravo Jehanne.
La douceur de tes mots lui aura permis d’être entendue.
Je consacre beaucoup de temps à essayer que ces belles personnes trop souvent oubliées se sentent un rien moins seules l’espace d’un instant, un court instant.
Alors ces mots me touchent beaucoup.
Bisous
merci Audrey